Les échos du passé. Partie en 8 tours. Premier essai.
Main de départ : Attiré vers la flamme / Regardez ce que j'ai trouvé / Saint Rosaire / Planque / Sort de protection.
Tour 1 :
Pas de phase de mythe.
Investigations :
Pose du rosaire (3R).
Déplacement dans le couloir silencieux du 1er étage.
Déplacement dans un lieu du premier étage : bibliothèque des historiens.
Phase d'ennemis vide.
Phase d'entretien : +1R (4R), pioche de Creuser trop profondément.
Même en marchant d'un bon pas, il fallait vingt bonnes minutes pour atteindre l'objectif qu'Agnès s'était fixé. Amplement assez de temps pour creuser plus profondément la question de Carcosa et du roi en jaune avec Mary. Il apparut que la sorcière, dans un passé si lointain qu'il en devenait vertigineux, avait participé à un culte dont l'objectif était d'atteindre Carcosa et de libérer ce fameux roi. Interrogée plus précisément à son sujet, Mary se fit évasive et refusa absolument de prononcer son nom. Toujours est-il que l'entreprise avait échoué.
« Pourquoi ? Une intervention extérieure ? »
« Intérieure en fait. Quelqu'un a interrompu le rituel et tué la plupart des cultistes. »
« Qui ? » En posant la question, Agnès connaissait déjà la réponse.
« Moi. J'avais pris conscience de ce que je m'apprêtais à faire et je me suis libérée de son emprise. »
La jeune femme soupira. Il y avait là un compte en suspens, une vieille dette à régler, et peut-être davantage mais Mary ne dirait que ce qu'elle voudrait bien dire.
« Et l'homme au masque ? Un cultiste ? »
« Oui... d'une certaine manière. Nous avons été proches à cette époque. »
« Tu crois qu'il t'a reconnue ? »
« Je sais qu'il m'a reconnue. Méfie-toi de lui. »
« Quel judicieux conseil. Je n'y aurais pas pensé seule. Bien, nous voilà à pied d'oeuvre. Un des rares bâtiments officiels dans lesquels nous n'ayons pas encore pénétré par effraction. »
La sorcière considéra le bâtiment de style géorgien qui abritait la société des historiens d'Arkham. L'immeuble, élégant et symétrique, élevait ses trois étages au-dessus du trottoir et prenait des allures un peu inquiétantes avec la fine couche de brume qui couvrait le sol et la course erratique des nuages dans le ciel nocturne. La sorcière grimpa les trois marches du porche et constata sans grande surprise que la porte était entrouverte et que la serrure avait été forcée. Elle se mordilla la lèvre : elle n'aimait pas affronter des cultistes, après tout, ils étaient humains et elle avait déjà une trop longue liste de cadavres sur la conscience. Même si la liste en question ne devait représenter qu'une goutte d'eau dans la palmarès de Mary.
Son regard tomba sur le signe à moitié effacé maintenant et qu'elle avait tracé sur le dos de sa main avec le sang de Peter. Elle ressentit une vive satisfaction de ne pas avoir entraîné le jeune homme dans une affaire qui allait clairement relever de la loi civile et qui impliquerait au minimum une effraction voire des coups et blessures mystiques ayant entraîné la mort avec la ferme intention de la donner. Ah ça ! Ça aurait de la gueule dans un tribunal !
Agnès pénétra silencieusement dans le hall. C'était un vaste espace chaleureusement normal flanqué de deux larges escaliers et de deux portes en chêne vénérables. Après une brève hésitation, la sorcière prit l'escalier de droite qui la conduisit dans le couloir central du premier étage. L'endroit était aussi désert en apparence que le reste du bâtiment et Agnès commença à se sentir mal à l'aise, un malaise qui s'accrût quand le plancher cria sous son déplacement et qu'il lui sembla que le silence était devenu très attentif à sa présence.
Tour 2 :
Phase de mythe +0F (0/2). Édit du roi : pas de cultiste (renfort). Édit du roi : toujours pas de cultiste (renfort). Les recherches du culte : Acolyte généré dans le couloir silencieux du premier étage.
Investigations :
Enquêter (2 contre 3) : -1. utilisation de « Regardez ce que j'ai trouvé » (2R). Obtention de deux indices.
Avancement de l'acte. +1 indice sur la bibliothèque des historiens.
Pioche de Peter Sylvestre.
Déplacement dans le couloir du premier étage : engagement de l'acolyte.
Phase d'ennemis : attaque de l'acolyte +1 dégât sur Agnès.
Phase d'entretien : +1R (3R), pioche du rituel de recherche.
Agnès ouvrit au hasard une des portes du premier étage. La société des historiens d'Arkham possédait évidemment une quantité impressionnante de livres et documents de toutes sortes, la sorcière ne fut donc pas surprise de se retrouver dans une bibliothèque aux multiples rayonnages tellement chargés d'ouvrages qu'un certain nombre n'y avaient pas trouvé place et gisaient sur le sol en piles plus ou moins régulières.
Agnès eut un soupir de découragement : la conversation avec Sébastien Moreau lui avait donné l'impression qu'il était important d'en savoir davantage sur la première représentation du roi en jaune à Arkham. En fait, c'était plus une intuition qu'une impression...mais s'il était certain que la société des historiens devait disposer d'archives à ce sujet, rien n'indiquait où ces archives pouvaient se trouver.
« Je hais les bibliothèques. » murmura la jeune femme en considérant l'énorme masse des documents.
Mary approuva intérieurement : aucune sorcière n'aime les livres. Ils laissent à disposition du premier quidam venu des informations trop destructrices. Et quand on a besoin d'eux pour en trouver une, il faut affronter les rayonnages chargés ou pire encore : un bibliothécaire !
Agnès alluma une lampe et fouilla un moment dans les dossiers poussiéreux mais sans rien trouver d'intéressant. Une vie entière n'aurait pas suffi à tout parcourir et le système de classement paraissait abscons. Y en avait-il seulement un ? Il était tout à fait envisageable que tous ces livres ne soient qu'en cours d'organisation au vu des piles désordonnées. Dans un geste de mauvaise humeur, Agnès mit un coup de pied dans l'une d'entre elles. Parmi les carnets qui tombèrent au sol, l'un d'entre eux s'ouvrit à une page qui attira l'oeil de la sorcière ; elle prit le document sans y croire et pourtant, c'était bien ce qu'elle cherchait ! Les notes d'un historien de la société sur une représentation du roi en jaune au théâtre du Cèdre et sur de tragiques événements. Rien de plus : la note finale spécifiait que tout ce qui concernait cette affaire devait être traité confidentiellement et évoquait une bibliothèque cachée dans le bâtiment. Il restait à la trouver mais ce coup de chance mit la sorcière de bonne humeur...d'un peu trop bonne humeur peut-être : quand elle sortit dans le couloir, elle ne prit pas garde au léger mouvement dans son dos et le coup de poing qu'elle reçut dans les reins la jeta sur le plancher.
Tour 3 :
Phase de mythe +0F (1/2). Voix intérieures Effroi. Sort de protection (2R) : +1 horreur sur Agnès et +1 dégât sur l'acolyte qui est battu.
Investigations :
Planque +3R (5R).
Pose du rituel de recherche (1R).
Pioche : Athamé spirituel.
Phase d'ennemis vide.
Phase d'entretien : +1R (2R), pioche de Connaissance interdite.
La première réaction d'Agnès fut humaine et associa la douleur et l'effroi ; la seconde, presque aussitôt, fut celle d'une sorcière et mêlait deux colères : celle qu'on ait osé porter la main sur elle et celle d'avoir été si négligente. Elle roula sur le sol pour éviter le coup de pied qui visait sa tête et put voir son agresseur : vêtu d'une robe informe et encapuchonné, il était une caricature d'adorateur. Un simple geste des deux mains le fit décoller du sol. La télékinésie était toujours une discipline épuisante mais à cet instant, Agnès eut la franche tentation d'y consacrer assez d'énergie pour déchirer le corps en deux...au dernier moment, elle se contenta de lui faire heurter violemment le plafond puis le plancher du couloir. Il resta inerte au sol.
« Tu as une façon originale de toquer pour annoncer ton arrivée. »
Agnès n'avait rien à répondre : ce qu'elle avait fait n'était effectivement pas très intelligent. S'il y avait d'autres cultistes dans le bâtiment (et Agnès était sûre qu'il y en avait), ils devaient maintenant être sur leurs gardes. Il fallait faire vite mais pour cela, il fallait passer à une perception plus aiguisée.
La jeune femme se concentra sur ses sens de sorcière. Tout d'un coup, il n'y eut plus aucun silence : elle entendit des respirations, des bruits de pages qu'on tournait, le bruissement même des livres sur leurs étagères, le trottinement des souris, les respirations oppressés d'hommes en quête d'un savoir interdit... tout fut soudain plus clair et plus net et l'obscurité des lieux ne fut plus qu'un détail. L'autre porte du palier menait à une pièce qui n'était pas vide, Agnès en était certaine : une odeur de frénésie, une sensation d'impatience fébrile, le son d'une recherche discrète et méthodique cependant. Quelqu'un d'occupé, d'assez concentré sur sa tâche pour ne pas en avoir été dérangé par les chocs dans le couloir attenant.
Une victime parfaite donc.
Agnès tourna doucement la poignée et entra dans la salle. La porte se referma derrière elle avec un très léger déclic.
Tour 4 :
Phase de mythe +0F (0/2). Chercheur de Carcosa généré dans la deuxième salle du premier étage : Musée des historiens.
Fin de phase : le chercheur de Carcosa prend l'indice sur le musée des historiens.
Investigations :
Pose de connaissance interdite.
Déplacement dans le musée des historiens.
Engagement du chercheur de Carcosa.
Action rapide : connaissance interdite +1R (3R), +1 horreur sur Agnès et +1 dégât sur le Chercheur.
Phase d'ennemis : +1 horreur sur Agnès et +1 dégât sur le chercheur.
Phase d'entretien : +1R (4R), pioche du flétrissement expérimenté.
La pièce était assez vaste et l'éclairage était limité à une lampe d'opaline verte posée sur un bureau. Un curieux individu y travaillait : lui aussi vêtu d'une robe de culte, mais de couleur rougeâtre, son visage était dissimulé par une série de bandelettes qui ne laissaient émerger que les yeux et le nez. Agnès se demanda brièvement si c'était une règle de leur organisation ou s'il était adepte d'un décorum pour le moins douteux et peu pratique.
Presque tout l'espace de la salle était occupé par des vitrines où étaient exposés essentiellement des objets du début du XVIIème et de la colonisation. Progresser de l'une à l'autre sans se faire repérer du cultiste plongé dans l'étude de divers documents ne présentait pas de grandes difficultés : il semblait fasciné par ce qu'il lisait et il y avait quelque chose de malsain dans la manière dont ses doigts moites tournaient les pages avec avidité. Agnès se demandait, en arrivant dans le dos de l'homme, comment on finissait par adorer une entité ou un pouvoir qui vous considérait au mieux comme un parasite. Pourquoi ne pas poser la question ? Elle se pencha à l'oreille du cultiste :
« Vous croyez que vous serez sauvé ? »
L'homme fit un bond de fou et renversa le fauteuil. Sa première tentation fut de se mettre à genoux mais quand il vit la jeune femme devant lui, ses yeux s'écarquillèrent de haine et il s'exclama :
« Sorcière ! »
Agnès ne prit même pas garde à l'exclamation. Elle jeta un regard distrait aux documents éparpillés sur le bureau et haussa les épaules :
« Vous ne savez rien. Donc vous ne servez à rien. Et vous croyez que vous serez sauvé ? »
« Vous ne pouvez pas comprendre. » La voix rauque était chargée de mépris et la main fiévreuse descendait vers la poche profonde, tendue par un probable poignard. « Vous ne pouvez pas comprendre parce que vous ne croyez pas ! Il est déjà là ! Le roi en guenilles... »
« Une tenue peu appropriée à la royauté. »
« Nous savons qui vous êtes, nous le savons ! Vous l'avez trahi ! »
L'homme brandit le poignard ; les yeux de la sorcière virèrent au rouge et sa voix gronda, menaçante :
« Vous ne me toucherez pas. »
Le cultiste hurla en se jetant sur elle :
« Le roi en jaune ! Hastur ! Hastur ! »
Ce nom jeté avec démence frappa Agnès de plein fouet et elle chancela comme sous un coup physique mais elle garda assez de contrôle pour détourner la course du poignard qui se ficha dans la cuisse de l'agresseur. Il cria de douleur et glissa au sol où il resta prostré.
Tour 5 :
Phase de mythe +0F (1 / 2). Magicien de l'ordre généré dans le couloir silencieux du premier étage.
Fin de la phase : +1F sur le magicien de l'ordre.
Investigations :
Action rapide : connaissance interdite +1R (5R), +1 horreur sur Agnès et +1 dégât sur le Chercheur qui est battu.
Pose du flétrissement expérimenté (2R).
Déplacement dans le couloir silencieux du premier étage : engagement du magicien de l'ordre.
Combat au flétrissement (8 contre 4) : crâne -1 Succès. Le mage est battu. +1 horreur sur le saint rosaire.
Phase d'ennemis vide.
Phase d'entretien : +1R (3R), pioche des analgésiques.
L'homme gémissait ou incantait, il n'était pas évident de faire la différence. Agnès s'accroupit à deux mètres de lui, le regard brûlant :
« Vous allez me dire ce que vous savez. »
Un ricanement hystérique lui répondit puis une voix sourde, affaiblie par la souffrance et pourtant plus compacte que la pierre dure :
« Non, je ne vous dirai rien. Je suis faible oui... »
Il releva vers la sorcière un regard dément et strié de veines éclatées. Sa main tremblante arracha le poignard de la blessure et l'éleva :
« ...mais vous l'êtes encore plus que moi ! »
Il s'enfonça la lame dans la gorge avec un hoquet de douleur mais jusqu'à leur dernier éclat, ses yeux restèrent fixés sur ceux d'Agnès. La sorcière se redressa avec un frisson.
« Ils sont tous ainsi ? »
« Et pires même. Ce sont des fanatiques. »
« Et tu as été comme eux ? Comment est-ce possible ? »
« Je ne sais pas...j'étais séduite par les possibilités je crois. Pas vraiment sincère au fond dans ma conviction, mais j'ai été des leurs, oui. »
Agnès secoua la tête et décida de se reconcentrer sur son objectif. Pas question de fouiller tout le bâtiment avec ces cultistes qui traînaient dans tous les coins : elle devait trouver la bibliothèque avant de s'y rendre. Ce n'était pas si difficile : un tel lieu devait dégager une masse conséquente d'énergie mystique, même au sein d'un bâtiment aussi évidemment chargé de connaissances ésotériques. Agnès se concentra quelques minutes ; le décor autour d'elle disparut et elle eut la sensation de flotter dans un espace vide parcouru de légers courants invisibles. Une masse dense se concrétisa au-dessus de sa tête, presque à la verticale : un cœur palpitant de connaissances interdites. Elle savait vers où aller.
Alors qu'elle allait franchir la porte menant sur le couloir, elle perçut une menace immédiate et s'écarta vivement sur le côté. Le panneau de bois fut soufflé par un puissant sort de télékinésie et éclata en échardes qui criblèrent les vitrines dont deux ou trois explosèrent à leur tour en pluie de verre. Agnès pivota à nouveau dans l'axe de la porte : un homme encapuchonné aux mains luisantes de runes préparait déjà un nouveau sortilège mais la sorcière ne lui laissa pas le temps de l'incanter. Un bref geste de la main, comme celui d'une fermeture éclair, et la gorge du magicien s'ouvrit d'une oreille à l'autre. Alors qu'il s'effondrait au sol dans un gargouillis, Mary ironisa :
« Ces magiciens...trop d'intelligence et de savoirs, pas assez de volonté et d'intuition. »
Agnès, avec une certaine répugnance, enjamba le cadavre pour se diriger vers les escaliers :
« Possible. Ou trop d'ambition. Et je connais au moins une sorcière qui a eu le même défaut. »
Tour 6 :
Phase de mythe +0F (0/2). Porte verrouillée : placée sur la bibliothèque des historiens.
Investigations :
Déplacement dans le couloir silencieux du 2ème étage.
Déplacement dans un lieu du 2ème étage : bureau de Peabody.
Enquêter avec le rituel de recherche + défausse des analgésiques (7 contre 4) : crâne 0. Succès. Obtention de deux indices.
Avancement de l'acte : obtention de Mr Peabody ; mise en place de la bibliothèque cachée ; +1 indice sur la bibliothèque des historiens, le musée des historiens et le bureau de Peabody.
Phase d'ennemis vide.
Phase d'entretien : +1R (4R), pioche de chanceux.
Monter l'escalier et traverser le couloir ne présenta aucune difficulté. Agnès sentait les présences des cultistes dans les pièces alentours et au dessous d'elle avec assez d'acuité pour ne pas se trouver sur le chemin. La pièce qui l'intéressait, par chance, était encore vide de leur présence. C'était un bureau assez étroit mais qui devait appartenir à un membre important de la société des historiens, comme en témoignaient les nombreux diplômes accrochés dans des cadres au mur et la qualité particulière des meubles : étagères en ébène, lampes aux socles de marbre, et un bureau à caisson en bois précieux, aussi large que profond.
Agnès s'approcha de ce dernier et écarta le fauteuil en disant :
« Allez, sortez de là dessous. Je ne vous veux aucun mal. »
Un vieil homme mince réussit à s'extraire péniblement de sous le meuble. Il se releva avec une certaine dignité, épousseta ses genoux et réajusta une fine paire de lunettes à monture d'acier. Il rappelait à Agnès un de ses enseignants, celui que les enfants faisaient tourner en bourrique en lui jouant des farces de mauvais goût.
« Mademoiselle, je me vois contraint de vous demander qui vous êtes et ce que vous faites ici. »
Oh oui : exactement cet enseignant là. La sorcière répondit le plus sérieusement du monde :
« L'heure et les circonstances ne se prêtent pas à des présentations dans les règles, monsieur. Disons simplement que je suis votre alliée et que vous pouvez m'appeler Agnès. »
« Et bien...Agnès...je suis M. Peabody, le conservateur en chef de la société des historiens d'Arkham...et je n'ai pas souvenir que vous fassiez partie de nos membres. »
La voix, un peu flûtée, tentait maladroitement de prendre un ton autoritaire. La sorcière se serait amusée de la situation si elle avait eu un peu plus de temps mais ce n'était pas le cas. Elle revint vers la porte et donna un tour de clé :
« M. Peabody, je respecte votre fonction, croyez-le bien... »
Elle ôta la clé de la serrure et la mit dans sa poche en revenant vers le conservateur. Les yeux délavés du vieil homme tremblaient un peu derrière leurs carreaux.
« … mais ce ne sera pas le cas des hommes qui se sont introduits illégalement dans ce bâtiment. Vous comprenez bien que ce ne sont pas de simples cambrioleurs et que l'argent n'est pas leur objectif. »
« Que...que voulez-vous dire ? »
La sorcière s'arrêta très près du pauvre homme qui ne pouvait pas reculer davantage, coincé contre le bureau massif. Elle alla chercher auprès de Mary son sourire le plus aguicheur et sa voix la plus suave ; l'ensemble devait être spectaculaire si on en jugeait par le teint écarlate de Peabody.
« Je veux dire que je suis votre amie et que je peux vous aider, si vous m'aidez en retour bien sûr. »
« Et...et comment ? »
Agnès se dirigea négligemment vers le mur à sa droite, couvert par de larges rayons de livres anciens.
« C'est très simple : moi je vous sauve la vie et vous, vous m'ouvrez la porte de la pièce secrète qui est derrière ce mur. »
« Comment savez-vous... ? »
« Je sais que vous et moi serions plus à l'abri dans cette pièce cachée que dans ce bureau. Ne voulez-vous pas ma protection et la vôtre ? Peabody, voyons, ce n'est qu'une question de logique, n'est-ce pas ? »
Nouveau sourire ravageur. Le vieux conservateur se mit presque aussitôt à chercher avec des mains tremblantes le bouton d'ouverture le long d'une rangée de livres. Agnès ne le quittait pas des yeux tout en conversant avec son ancêtre :
« Tu savais que la séduction fonctionnerait sur lui ? »
« Une évidence. Regarde-le : un rat de bibliothèque qui a passé sa vie à lire les exploits réels ou imaginaires des autres et tu viens lui offrir l'occasion d'être un héros à son tour et de sauver la princesse. »
« Quelle princesse ? »
« Disons Cendrillon avant le bal alors. Pour lui c'est déjà inespéré. »
Tour 7 :
Phase de mythe +0F (0/2). Induit en erreur +1F sur l'intrigue.
Investigations :
Action de Peabody sur la bibliothèque cachée.
Déplacement dans la bibliothèque cachée.
Enquêter avec le rituel de recherche (6 contre 3) : -1 Succès. Obtention de deux indices.
Phase d'ennemis vide.
Phase d'entretien : +1R (5R), pioche du Saint rosaire.
Le panneau secret était vraiment bien caché et sans l'aide de Peabody, Agnès ne l'aurait certainement pas trouvé. Il donnait sur une pièce étroite, à peine une salle de lecture, mais une fois la porte dérobée refermée, il sembla à la sorcière que l'espace réel de la pièce était beaucoup plus important que son volume apparent. Les murs creusés contenaient aussi bien des livres aux couvertures antiques et aux fermoirs rouillés que des boîtes en bois solides cadenassées ou des cartons de dossiers plus récents. Sur plusieurs de ces éléments, la vision d'Agnès percevait des flammèches vertes comme si les grimoires ou les documents étaient chargés de malfaisance. Tout était soigneusement étiqueté et souvent complété d'un avertissement solennel.
« Je ne comprends pas, murmurait Peabody, comment vous connaissiez cette pièce. La plupart de nos membres ignorent jusqu'à son existence et moi-même je n'y suis pas entré plus de … ne touchez pas à ça ! »
Agnès, qui extrayait une des boîtes des rayonnages, ne tint aucun compte de la remarque. Elle se contenta de rétorquer :
« Ne parlez pas si fort, on va vous entendre. Est-ce qu'on n'essaie pas d'enfoncer la porte de votre bureau d'ailleurs ? »
Affolé, Peabody alla immédiatement coller son oreille au panneau secret et laissa la sorcière libre de forcer le ridicule cadenas rouillé. De nombreuses coupures de journaux se rapportaient à la première du roi en jaune et Agnès les parcourut consciencieusement mais sans trouver plus que ce à quoi elle s'attendait : des noms inconnus, le récit de l'incendie du théâtre des Cèdres...si, tout de même, le nom d'un machiniste de cette époque qu'on avait enfermé à l'asile d'Arkham. David Chesterfield... et s'il y était encore ?
« Agnès ! » le ton de la voix de Peabody était un mélange de supplication, de furtivité et de terreur. Tirée de ses réflexions, la jeune femme entendit le craquement assourdi de la porte qu'on enfonçait.
Tour 8 :
Phase de mythe +0F (1/2). Fanatique généré dans le bureau de Peabody. Déplacement de l'indice du bureau de Peabody sur le fanatique.
Investigations :
Enquêter avec le rituel de recherche + défausse du saint rosaire (7 contre 4) : -4. Utilisation du chanceux (4R) Succès. Obtention du troisième indice.
Creuser trop profondément (3R). Pioche de sombrer dans la folie (-1 action). Renfort : chercheur de Carcosa généré dans le musée des historiens du premier étage.
Avancement de l'acte.
La sorcière glissa rapidement dans sa poche la feuille portant les renseignement sur Daniel Chesterfield. Alors qu'elle remettait les autres documents dans la boîte, elle sentit sous les liasses que la planche du fond bougeait légèrement ; au même moment, une légère appréhension parcourut le dos de sa main. Elle souleva les papiers et constata la présence d'un tiroir à coulisse dont elle manoeuvra la planche pour révéler un sac de laine noir. Il était fermement lié par une cordelette que la sorcière s'acharna à dénouer tandis que Peabody grelottait de peur contre le mur factice.
« Agnès, je n'aime pas l'impression qui se dégage de ce sac... »
« On ne va pas rester sur une impression. »
Le nœud se défit d'un coup, comme de lui-même. La jeune femme sortit du sac une broche d'onyx qui lui parut glaciale. La pierre noire était marquée de lignes courbes laiteuses, le même signe que celui qu'elle avait vu tracé sur le mur du théâtre, un symbole aussi attirant qu'effrayant.
« Remets ce truc dans le sac et partons d'ici. »
«Oui... » Agnès reposa doucement le bijou dans sa cachette « ...je n'aime pas l'impression qu'il me laisse. »
« Ils sont là, juste derrière, chevrota Peabody. Oh mon dieu ! Qu'est-ce que nous allons faire ? »
La sorcière se rapprocha de lui pour mettre un doigt sur ses lèvres et ferma les yeux. Dans un quartier aussi huppé, il y avait forcément des patrouilles de police régulières, il suffisait d'attirer leur attention...un peu de télékinésie encore, par exemple.
Le fanatique qui vidait consciencieusement les tiroirs du bureau de Peabody sur le sol eut un mouvement de recul quand le lourd fauteuil s'éleva du sol et il plongea quand le meuble, à toute vitesse, traversa la fenêtre et alla s'écraser à grand fracas sur le trottoir. Le moment de stupéfaction passé, il se releva pour déguerpir avant l'arrivée des forces de l'ordre dûment averties par des riverains furieux.
Agnès et Peabody sortirent de la bibliothèque cachée moins de deux minutes après. La sorcière exerça une dernière fois sa perception épuisante pour constater que les lieux étaient vides. Elle déposa un baiser sur la joue de Peabody et lui dit :
« Merci encore, c'était charmant. Bien sûr, si vous savez où est votre intérêt, vous ne mentionnerez pas ma présence à ces bons agents. »
« Mais... »
« Et songez que vous pouvez être le conservateur héroïque qui a fait fuir les cambrioleurs. »
Peabody eut un bref moment de blanc et un sourire timide naquit sur son visage.
« Mon héros... » ronronna la sorcière en quittant la pièce à reculons. Dès qu'elle fut dans le couloir, elle retrouva une expression plus revêche :
« Arrête de me suggérer des plans pareils ! »
« Oh, allez ! Ça marche en plus. »
« C'est surtout que ça t'amuse ! Bon, j'ai besoin de repos : retour à la maison. »
« Avant l'asile ? »
« Précisément. »
« Je ne doute pas qu'ils te laisseront entrer... »
Fin du scénario : conclusion C1.
J'ai laissé la broche en onyx.
Gain d'un doute. Doute (3).
3 points d'expérience (bibliothèque cachée + creuser trop profondément).
3XP pour un deuxième flétrissement expérimenté.